Les arrivées d'avril à août 1943 (II.14.)

Si entre janvier et mars 1943, les réfractaires à la Wehrmacht représentent la majorité des arrivées au SL Schirmeck, ce n’est plus le cas au cours des mois suivants. En effet, à partir de ce moment, les autorités allemandes les déportent au KL Natzweiler. Ainsi, les personnes arrêtées pour leurs sentiments francophiles ou leur attitude anti-allemande représentent à nouveau plus du quart de l’effectif recensé au cours de cette période. L’aide apportée aux prisonniers de guerre évadés, aux réfractaires, à ceux qui tentent de passer la frontière, et à tous ceux qui refusent de servir le Reich allemand, constitue le deuxième motif d’entrée à Schirmeck. Dans ce groupe, les femmes ont une part active puisque près de 40 % de celles entrées au camp au cours de ces mois sont concernées par ce motif.
L’opposition à l’annexion et à la germanisation se traduit aussi par quelques actions de résistance organisée. Ainsi, entre les 22 et 24 août 1943, sont appréhendés les membres d’un petit groupe de résistants, appelé Le Point Bleu, à cause du port d’un petit insigne bleu à la boutonnière. Dès le mois d’août 1943, le créateur de ce groupe de 8 personnes se fait arrêter lors de la mise sur pied du groupement, en retournant chez lui, à la suite d’une réunion qui avait lieu dans les environs de Saverne. Il est immédiatement enfermé à la prison de Strasbourg, puis au camp de Schirmeck. Le mardi suivant, sa maison est perquisitionnée et l’on y trouve la liste des membres du groupe qui était en train de se constituer. Ils entrent au camp de Schirmeck le 24 août 1943. Le seul acte de résistance connu de l’organisation est le placement d’un drapeau tricolore sur la baraque du personnel de surveillance du camp de Schirmeck au cours de la nuit du 13 au 14 juillet 1943. Tous les membres sont libérés après quelques semaines passées au camp, certains sont incorporés aussitôt dans le Reichsarbeitsdienst (RAD).

Les refus d’incorporer le RAD, le service du travail allemand, continuent de provoquer des entrées au SL Schirmeck. Ainsi, le 22 juin 1943, de nombreux jeunes de l’arrondissement de Guebwiller, au cours du voyage par chemin de fer de Bollwiller à Strasbourg, jettent des tracts anti-nazis par les fenêtres de leur compartiment, arborent de petits drapeaux tricolores et chantent La Marseillaise dans les différentes gares. En arrivant en gare de Sarrebruck, les intéressés sont arrêtés par la Gestapo et incarcérés à la prison de Sarrebruck pour y être interrogés. Après trois semaines de détention à la prison de Strasbourg, ils sont envoyés au SL Schirmeck le 14 juillet 1943, puis transférés le 24 novembre de la même année à la prison de Berlin-Plotzensee où deux d’entre eux meurent à la suite de mauvais traitements. Ils sont condamnés par le tribunal du Peuple (Volksgericht) de Berlin pour menées anti-allemandes à des peines pouvant aller jusqu’à sept ans de prison. Ils sont ensuite transférés dans les prisons de Torgau, Ohnutz et Brun. Sept autres réfractaires originaires de l’arrondissement de Molsheim, arrêtés à Saverne dans des circonstances similaires, arrivés à Schirmeck le 11 mai 1943, sont transférés le 24 novembre à la prison de Berlin-Plotzensee, et condamnés pour manifestations anti-allemandes, les plus jeunes à de fortes peines de prison et les plus âgés à 8 ans de travaux forcés. Par la suite, ils sont envoyés dans les prisons de Bruchsal, Bayreuth, Ludwigsburg et Bamberg et n’en sortent qu’à la libération par les troupes américaines en avril 1945.

Sur l’ensemble de l’effectif recensé, les libérations anticipées représentent plus de 60 %, et plus de 30 déportés sont envoyées dans un KL.

Manuel Maris

Dernière mise à jour : 2008-07-30