Transport parti de Paris le 22 juillet 1943 (I.117.)

Le trente-cinquième transport « NN » en direction du SS-Sonderlager Hinzert, parti le jeudi 22 juillet 1943, est organisé dans un contexte particulier pour cette catégorie de déportés. En effet, depuis mai 1942, tous les hommes classés « NN » ont été déportés vers Hinzert, lieu de regroupement avant le jugement. Or, trois transports comprenant des « NN » sont organisés au départ de Paris les 8, 11 et 14 juillet 1943 vers le KL Natzweiler[2]. Même si cela l’annonce, il ne s’agit pas encore d’un passage de relais entre les deux camps pour le regroupement des déportés « NN », puisque deux transports vers Hinzert partent encore au mois d’août et au mois de septembre 1943.
Quoi qu’il en soit, cela ne modifie guère les conditions de transport des déportés qui sont regroupés dans des wagons de voyageurs dont les compartiments ont été aménagés en cellules aux fenêtres grillagées. L’arrêt du train en gare de Trèves signifie la descente et l’attente d’un autre train se dirigeant vers Reinsfeld, un village situé à environ sept kilomètres du camp spécial d’Hinzert. La distance est parcourue à pied.

Les motifs ayant conduit à la classification « NN » et à la déportation sont connus pour 9 personnes de ce transport. Ils concernent deux catégories d’actes devant être réprimés dans le cadre de l’application du décret Keitel de décembre 1941 instaurant la procédure « Nacht und Nebel » : il y a, d’une part, 7 hommes accusés d’avoir eu l’intention d’apporter une aide à l’armée ennemie et, d’autre part, 2 personnes arrêtées sur dénonciation pour détention illégale d’armes. S’agissant des premiers, 4 hommes sont arrêtés ensemble à Saint-Glen (Côtes-du-Nord) pour avoir hébergé des parachutistes américains tombés dans la région, et 2 membres de l’Armée des Volontaires sont arrêtés à Rennes pour les mêmes raisons.

La totalité de l’effectif du transport se retrouve transférée, pour leur jugement, à la prison de Wittlich, certains le 30 juillet 1943, soit une semaine après leur arrivée, et d’autres le 15 octobre, après 3 mois à Hinzert.
Mais, tous les déportés « NN » de ce transport ne semblent pas avoir été jugés. Seuls deux passages au tribunal de Breslau sont connus. Les autres déportés ont suivi un parcours différent : 4 d’entre eux sont directement transférés de Wittlich au camp de Rollwald, où ils sont libérés en mars 1945 ; un autre connaît les prisons de Diez-sur-Lahn et de Butzbach jusqu’à la libération. Ceci révèle les difficultés des Allemands pour appliquer à la lettre la procédure « NN ». Le fait est que les affaires « NN » venant des pays occupés étant de plus en plus nombreuses, les tribunaux spéciaux sont encombrés et la machine judiciaire est enrayée, ce qui entraîne, à la fin de l’année 1944, la décision d’abandonner la procédure « NN » et de remettre ses détenus dans des camps de concentration avec toutes les autres catégories de déportés. Cela se concrétise ici par les transferts au KL Gross Rosen ou au KL Sachsenhausen.
Ainsi, si le nombre de lieux de déportation connus par les déportés « NN » paraît important, cela est lié à l’évolution même de l’application de la procédure « Nacht und Nebel ».

Guillaume Quesnée

[1]Cet effectif n’est attesté par aucune liste de départ ou d’arrivée en Allemagne et il a donc été établi à partir du croisement de diverses sources. Mais, pour un certain nombre de déportés, si l’on sait qu’ils sont « NN » envoyés à Hinzert, on ignore la date de leur déportation et ils sont donc présentés dans la liste alphabétique « hors transport » des déportés à Hinzert (I.301.).

[2]Voir les notices des transports partis les 8, 11 et 14 juillet 1943 à destination du KL Natzweiler (I.114., I.115. et I.116.).

Dernière mise à jour : 2008-07-30