Effectif recensé : | ||
---|---|---|
Hommes | 23 | 69.7% |
Femmes | 10 | 30.3% |
Situations : | ||
Décédés | 3 | 9.09% |
Rentrés de déportation | 25 | 75.76% |
Situations non connues | 5 | 15.15% |
Nationalités : | ||
F | 31 | 93.94% |
I | 2 | 6.06% |
En déportant des personnalités civiles et militaires vers des lieux de détention spécialement créés, les Allemands mènent une politique répressive préventive et spécifique visant à éviter que ces « cadres de la Nation » se mettent au service de la Résistance et des Alliés, plus particulièrement au moment d’un débarquement. Différents transports sont ainsi organisés en août et en septembre 1943, en mai et en juin 1944, vers le château d’Eisenberg, l’hôtel de Plansee ou l’hôtel Dreesen à Bad Godesberg, lieux rattachés administrativement à des camps de concentration. Des « personnalités-otages » partent également, en juillet 1944, de Compiègne vers le KL Neuengamme, où ils bénéficient d’un régime particulier, différent de celui des autres déportés qui y arrivent par ailleurs.[1]
Les départs, individuels ou par très petits groupes, d’autres personnalités de la scène politique et syndicale, du fait de ce qu’elles représentent et de ce qu’elles expriment, de leur nom ou de leur parenté, sont encore différents. Avec ces personnalités, et en dehors du fait qu’elles ne se trouvent plus en France et que leur influence respective disparaît, les Allemands se constituent un groupe d’otages pouvant éventuellement être négociés.
La liste présentée ici, non exhaustive et qu’il faut consulter avec celles des autres « personnalités-otages » évoquées, est ainsi formée de hauts personnages de l’Etat et de la scène politique : le président de la République en exercice en 1939, Albert Lebrun ; celui de l’assemblée nationale, Edouard Herriot ; et 3 anciens présidents du conseil, Léon Blum, chef des socialistes français, Edouard Daladier, démissionnaire en mars 1940 mais ministre de la Défense nationale dans le gouvernement de son successeur, Paul Reynaud, en fonction au moment de l’offensive allemande, et le ministre de l’intérieur de cette période, Georges Mandel. L’avocat de ce dernier, Raymond Ammar, qui lui rend visite quotidiennement alors qu’il se trouve interné au Fort du Portalet, est également arrêté et déporté. Le leader de la CGT, Léon Jouhaux, est la plus importante personnalité syndicale représentée. On compte également un ambassadeur, bon connaisseur de l’Allemagne, André François-Poncet, et 2 députés : Yvon Delbos, député de Dordogne et Robert Philippot, député du Lot-et-Garonne. Les militaires ne sont pas épargnés, comme les autres départs de « personnalités-otages » l’ont déjà démontré, avec Maurice Gamelin et Maxime Weygand, le second succédant au premier en mai 1940 comme généralissime. Certains noms de cette liste, en plus du dernier cité, commandant en chef puis délégué général pour l’Afrique française, ont joué un rôle au sein de l’Etat français et des gouvernements de Vichy : Yves Bouthillier, le ministre des Finances des deux premières années ; Jean Borotra, qui a en charge durant la même période l’Education physique et les sports ; Jean Ybarnégaray, ancien député des Basses-Pyrénées et premier titulaire du poste de ministre de la Jeunesse, de la Famille et des Sports ; ou encore Paul de la Porte du Theil, qui dirige les Chantiers de Jeunesse mis en place durant l’été 1940. D’autres personnes présentées ici sont surtout déportées du fait de leur parenté : Marie-Agnès Cailliau est la sœur du général de Gaulle ; Maurice Muselier est le fils de l’amiral qui a rejoint Londres ; et l’on compte 8 membres de la famille du général Giraud qui prend la tête des troupes pro-alliées en Afrique du Nord après l’arrivée des Américains.[2] Par ailleurs, certaines femmes de ces déportés les rejoignent et partagent leur détention : c’est le cas de Jeanne Blum, d’Augusta Jouhaux, de Christiane Mabire, la compagne de Paul Reynaud, et de Renée Weygand. Il faut, enfin, signaler la déportation de deux personnalités étrangères : Francesco Nitti, l’ancien président du conseil italien, et son secrétaire.
A la différence des départs de « personnalités-otages » déjà observés en 1943 et en 1944, les déportations présentées ici commencent dès 1942 et suivent des parcours différents et souvent spécifiques.
Léon Blum, Edouard Daladier et le général Gamelin sont déportés en avion vers Weimar, le 31 mars 1943, pour être détenus au KL Buchenwald où ils sont installés dans un baraquement réservé et chauffé, à la périphérie du camp proprement dit. Léon Jouhaux les rejoint le lendemain, après avoir effectué le voyage en voiture. Un mois plus tard, et à l’exception de Léon Blum dont l’épouse l’a par ailleurs rejoint en juin, ils sont transférés au château d’Itter, spécifiquement aménagé depuis quelques mois pour recevoir des « personnalités-otages ».[3] Dix jours plus tard, le 12 mai, Paul Reynaud et Jean Borotra quittent également pour le château d’Itter leur premier lieu de déportation, en l’occurrence le camp de Sachsenhausen où ils étaient arrivés en novembre 1942. Augusta Jouhaux, qui a décidé de rejoindre son mari, arrive le 19 juin, directement de France. Au début du mois de juillet, Christiane Mabire, d’abord déportée au KL Ravensbrück, rejoint Paul Reynaud qui avait demandé son transfert.[4] Le 1er et le 3 septembre, c’est, respectivement, au tour de Francesco Nitti et de son secrétaire, puis d’Albert Lebrun et d’André François-Poncet, d’arriver à Itter. Le 5 décembre, le général Weygand et sa femme, d’abord déportés en novembre 1942 à Schloss Garlitz, dans le Mecklembourg, rejoignent ce groupe d’une douzaine de personnes.[5] Marie-Agnès Cailliau, la sœur du général de Gaulle, est déportée à Bad Godesberg, alors que son mari est parti de Compiègne vers le KL Buchenwald[6] : ils se rejoignent et arrivent à Itter en avril 1945. Si Albert Lebrun, qui est ramené en France, André François-Poncet, Francesco Nitti et son secrétaire, quittent ce lieu de détention, les autres y demeurent jusqu’en mai 1945 et leur libération par les Américains.
D’autres « personnalités-otages » présentées ici ne sont pas regroupées au château d’Itter, et connaissent des parcours plus individuels. Léon Blum, resté à Buchenwald, quitte ce camp en voiture le 3 avril 1945, alors que les troupes alliées approchent et que les Allemands procèdent au déplacement de nombreuses « personnalités-otages ».[7] Il débute ainsi un trajet d’un mois, qui le conduit à Ratisbonne, à Schoenberg, au camp de Dachau, puis à Innsbrück et Niederdorf, avant d’être libéré à Pragserwildsee le 1er mai 1945.[8] Georges Mandel rejoint Léon Blum au camp de Buchenwald en juillet 1944 : il en est ensuite sorti pour être ramené en France et exécuté par la Milice en forêt de Fontainebleau le 7 juillet 1944. Son avocat, Raymond Ammar, est déporté au camp de Sachsenhausen, puis transféré au KL Bergen-Belsen où il décède en février 1945. Edouard Herriot, d’abord assigné à résidence, puis interné à l’établissement de bains d’Evaux, dans la Creuse, est remis durant l’été 1943 aux Allemands, qui le déportent dans un sanatorium près de Berlin, où il reste jusqu’à sa libération par les troupes soviétiques en avril 1945.[9] Yvon Delbos est placé en cellule individuelle au KL Sachsenhausen. Yves Bouthillier, Maurice Muselier et Jean Ybarnégaray sont déportés à Plansee, où un hôtel rattaché au KL Dachau a été aménagé pour recevoir des « personnalités-otages ».[10]
Enfin, parmi les membres de la famille du général Giraud, les femmes sont déportées à Spiesberghaus, puis placées en résidence surveillée à Friedrichroda, en Thuringe : l’épouse du général, Céline Giraud, ses deux belles-sœurs épouses de ses frères Georges et Fernand, ses deux filles Marie-Thérèse Giraud et Jeanne Marguet, retrouvent ainsi Renée Granger, une autre de ses filles, déportée de Tunisie vers le Reich.[11] Fernand et Georges Giraud sont déportés vers Plansee, alors que le parcours d’André Marguet, gendre du général, est incertain.
Thomas Fontaine, Claude Mercier, Guillaume Quesnée
[1]Se reporter à ces différentes notices (I.123., I.128., I.134., I.220., I.247. et I.250.).
[2]On retrouve dans cette liste le nom de la femme du général, de deux de ses filles et d’un de ses gendres, de deux de ses frères et de leurs épouses.
[3]Sur le château d’Itter, consulter le témoignage d’Augusta Léon-Jouhaux, Prisons pour hommes d’Etat, Paris, Denoël-Gonthier, 1973.
[4]Ce même mois, c’est Marcel Granger qui est transféré du KL Dachau, où il était arrivé de Tunisie, vers le château d’Itter. Lire la notice des départs d’avril 1943 de Tunisie (I.98.).
[5]Michel Clemenceau et François de la Rocque arrivent encore le 9 janvier 1944, après avoir été déportés à Eisenberg. Se reporter à la notice du transport du 31 août 1943 (I.128.).
[6]Se reporter à la notice du transport du 27 janvier 1944 (I.173.).
[7]Léon Blum est ainsi détenu, durant ce dernier mois de la guerre, notamment avec l’ancien chancelier d’Autriche, Schuschnigg ou l’ancien gouverneur militaire de Belgique et de la France du Nord, von Falkenhausen.
[8]Lire son témoignage, Léon Blum, Le dernier mois, Paris, Ed. Diderot, 1946.
[9]Lire notamment Serge Berstein, Edouard Herriot ou la République en personne, Presses de la FNSP, 1985.
[10]Les parcours de Robert Philippot, qui décède en déportation, ou de Paul de la Porte du Theil, ne sont pas connus avec précision.
[11]Se reporter à la notice présentant les départs de Tunisie en avril 1943 (I.98.).
Nom | Prénom | Sexe | Date de naissance | Lieu de naissance | Natio- nalité | Date de déportation | Parcours complet | Situ- ation | Date de libération ou de décès | Lieu de libération ou de décès | Observations
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
AMMAR | Raymond | M | 01/06/1898 | Le Caire (EGY) | F | ??/11/1942 | Sa,BB | DCD | 25/02/1945 | Bergen-Belsen | """Personnalité-otage""" |
BLUM | Jeanne | F | ? | ? | F | 31/03/1943 | Bu | R | 04/05/1945 | Pragserwildsee | """Personnalité-otage""" |
BLUM | Léon | M | 09/04/1872 | Paris (75) | F | 31/03/1943 | Bu,Reg,Scg,Da | R | 04/05/1945 | Pragserwildsee | """Personnalité-otage""" |
BOROTRA | Jean | M | 13/08/1898 | Biarritz (64) | F | 28/11/1942 | Sa,It | R | 05/05/1945 | Itter | """Personnalité-otage""" |
BOUTHILLIER | Yves | M | 26/02/1901 | ? | F | ? | Pla | R | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
CAILLIAU | Marie-Agnès | F | ??/??/1889 | ? | F | ??/??/1944 | BGg,It | R | 05/05/1945 | Itter | """Personnalité-otage""" |
DALADIER | Edouard | M | 18/06/1884 | Carpentras (84) | F | 31/03/1943 | Bu,It | R | 05/05/1945 | ? | """Personnalité-otage""" |
DE LA PORTE DU THEIL | Paul | M | ??/??/1884 | Mende (48) | F | ??/03/1944 | ? | R | ??/??/1945 | ? | """Personnalité-otage""" |
DELBOS | Yvon | M | ??/??/1885 | Thonnac (24) | F | ??/06/1943 | Sa | R | ??/??/1945 | ? | """Personnalité-otage""" |
FRANCOIS-PONCET | André | M | 13/06/1887 | Provins (77) | F | ? | It | R | 05/05/1945 | ? | """Personnalité-otage""" |
GAMELIN | Maurice | M | 20/09/1872 | Paris (75) | F | 31/03/1943 | Bu,It | R | 05/05/1945 | Itter | """Personnalité-otage""" |
GEORGINI | ? | M | ? | ? | I | ? | It,? | NC | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
GIRAUD | ? | F | ? | ? | F | ? | ?, Friedrichroda | NC | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
GIRAUD | Céline | F | 27/10/1889 | Dijon (21) | F | 15/04/1944 | ?, Friedrichroda | R | ? | Friedrichroda | """Personnalité-otage""" |
GIRAUD | Fernand | M | 25/04/1886 | Paris (75) | F | 02/03/1944 | Pla | R | ??/05/1945 | Plansee | """Personnalité-otage""" |
GIRAUD | Georges | M | ? | ? | F | ? | Pla | NC | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
GIRAUD | Marie-Thérèse | F | 03/08/1923 | Dijon (21) | F | ? | ?, Friedrichroda | NC | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
GIRAUD | Sylviane | F | 31/05/1897 | Tours (37) | F | 15/04/1944 | ?, Friedrichroda | R | ? | Friedrichroda | """Personnalité-otage""" |
HERRIOT | Edouard | M | 05/07/1872 | Troyes (10) | F | 17/08/1944 | Ber | R | 25/04/1945 | Berlin | """Personnalité-otage""" |
JOUHAUX | Augusta | F | ? | ? | F | 18/06/1943 | It | R | 05/05/1945 | Itter | """Personnalité-otage""" |
JOUHAUX | Léon | M | ??/??/1879 | Paris (75) | F | 01/04/1943 | Bu,It | R | 05/05/1945 | Itter | """Personnalité-otage""" |
LEBRUN | Albert | M | ??/??/1871 | ? | F | ? | It | R | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
MABIRE | Christiane | F | 17/02/1913 | Paris (75) | F | ? | Ra,It | R | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
MANDEL | Georges | M | ??/??/1885 | Chatou (78) | F | ??/11/1942 | Bu | DCD * | 07/07/1944 | Forêt de Fontainebleau | "* Exécuté ; ""Personnalité-otage""" |
MARGUET | André | M | 06/12/1912 | Brest (29) | F | ? | ? | R | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
MARGUET | Jeanne | F | 17/08/1918 | ? | F | ? | ?, Friedrichroda | NC | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
MUSELIER | Maurice | M | 19/03/1907 | Toulon (83) | F | ??/11/1943 | Pla | R | ??/05/1945 | Plansee | """Personnalité-otage""" |
NITTI | Francesco | M | 19/07/1898 ? | Nelfro (I) | I | ? | It,? | R | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
PHILIPPOT | Robert | M | ? | ? | F | ? | ? | DCD | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
REYNAUD | Paul | M | 20/02/1905 | Barcelonnette (04) | F | ??/11/1942 | Sa,It | R | 05/05/1945 | Itter | """Personnalité-otage""" |
WEYGAND | Maxime | M | ??/??/1867 | Bruxelles (B) | F | ??/11/1942 | ?,It | R | 05/05/1945 | Itter | """Personnalité-otage""" |
WEYGAND | Renée | F | ? | ? | F | ? | ?,It | R | 05/05/1945 | Itter | """Personnalité-otage""" |
YBARNEGARAY | Jean | M | ? | ? | F | ? | Pla | R | ? | ? | """Personnalité-otage""" |
Dernière mise à jour : 2016-07-22