Transport Paris-Trèves du 28 mai 1942 (I.33.)

Le jeudi 28 mai 1942 correspond à la date du premier transport d’hommes « NN » au départ de France vers le SS-Sonderlager Hinzert. Depuis la promulgation du décret Keitel, en décembre 1941 et la mise en place progressive de la procédure « Nacht und Nebel » dans les territoires occupés, les Allemands ont choisi un lieu de regroupement des détenus devant être jugés au tribunal de Cologne, compétent pour les affaires venant de France. Ce lieu est le camp spécial de la SS d’Hinzert, situé à la frontière germano-luxembourgeoise.
Le choix de ce camp relève de deux causes : pour les autorités allemandes, la déportation à Hinzert permet, à la fois de remédier à l’engorgement des prisons parisiennes et à celui des prisons situées autour du tribunal de Cologne.
Mais les recherches ont permis également de retrouver les noms de 8 femmes parties le même jour de Paris et arrivées le lendemain à Trèves. Malgré l’absence d’archives, notamment de listes de transport, on peut supposer qu’elles sont bien parties dans le même train.
Par ailleurs, ce convoi ferroviaire a la particularité d’être rejoint en cours de trajet par un groupe de prisonniers venant de Fribourg-en-Brisgau, au bord du Rhin. Ainsi, les 30 hommes et 8 femmes, qui quittent la gare de l’Est le jeudi 28 mai, sont rejoints par 13 hommes et 1 femme à un endroit inconnu. A Trèves, les femmes sont incarcérées à la prison de la ville ; les hommes attendent un autre train qui les conduit au village de Reinsfeld, où, encadrés par les SS, ils sont emmenés à pied au SS-Sonderlager Hinzert situé à sept kilomètres environ.

Tous sont déclarés « NN » en raison du motif de leur arrestation.
Les 14 prisonniers de Fribourg-en-Brisgau ont connu un parcours commun avant Hinzert : arrêtés dans les départements de la Côte-d’Or et de la Saône-et-Loire pour avoir tenté de passer la ligne de démarcation, ils sont internés à Dijon puis dirigés le 22 mai 1942 vers la prison de Fribourg-en-Brisgau, où ils restent jusqu’au 29 mai.
Les 30 hommes venant des prisons de Fresnes, de La Santé et du Cherche-Midi sont arrêtés dans 6 départements différents. Les causes sont diverses : 16 résistants du Front National sont appréhendés dans le département de la Seine ; 4 résistants du réseau de renseignements Uranus-Kléber le sont en Meurthe-et-Moselle ; enfin, les 10 autres personnes sont arrêtées pour le même motif de détention illégale d’armes.
Les 8 femmes parties de Paris sont arrêtées, soit pour détention d’armes, soit pour hébergement d’un soldat anglais pour deux d’entre elles, ce qui leur vaut d’être condamnées à mort. La peine est finalement commuée en huit ans de travaux forcés.
Tous ces motifs sont mentionnés dans le décret Keitel de décembre 1941 inaugurant la procédure « Nuit et Brouillard ».

Le parcours de déportation est un parcours type du déporté « NN » devant être jugé. Après quelques mois à Hinzert, les hommes sont envoyés à la prison de Wittlich puis sont présentés à des dates échelonnées aux tribunaux de Cologne et de Breslau[2]. Neuf condamnations à mort sont prononcées à l’encontre des résistants du Front National qui sont exécutés à la prison de Cologne-Klingelpütz. Certains déportés sont condamnés à des peines de travaux forcés à la forteresse de Sonnenburg ; ou à des peines de prison purgées à Schweidnitz. En raison de l’abrogation de la procédure « Nacht und Nebel » durant l’été 1944, les rescapés sont transférés dans des camps de concentration dont 9 à Sachsenhausen et 9 à Gross Rosen.
Les femmes sont jugées au tribunal de Cologne ou à celui de Breslau. Après un bref séjour à la prison de Trèves, elles sont dirigées vers Aix-la-Chapelle (Aachen), puis transférées vers le tribunal compétent. Les peines prononcées, en général des travaux forcés, sont purgées à Lübeck-Lauerhof ou Jauer. 3 d’entre elles font un parcours de prisons uniquement et sont libérées à la prison d’Aichach le 29 avril 1945, les autres sont transférées, à la fin de la procédure, au camp de Ravensbrück où elles rejoignent le sort de centaines d’autres déportées arrivées de France.

Les déportés survivants de ce transport ont donc connu en moyenne cinq lieux de déportation différents, camps, prisons ou forteresses.

Guillaume Quesnée

[1]Cet effectif n’est attesté par aucune liste de départ ou d’arrivée en Allemagne et il a donc été établi à partir du croisement de diverses sources. Mais, pour un certain nombre de déportés, si l’on sait qu’ils sont « NN » envoyés à Hinzert, on ignore la date de leur déportation et ils sont donc présentés dans la liste alphabétique « hors transport » des déportés à Hinzert (I.301.).

[2]Au cours de l’année 1943, en raison des bombardements dans la région de Cologne, le tribunal de Breslau, prend le relais de celui de Cologne, pour les affaires « NN » venant de France.

Dernière mise à jour : 2008-07-30