Transport Paris-Trèves du 18 mars 1943 (I.86.)

Le train en partance vers l’Allemagne le jeudi 18 mars 1943 emmène un groupe d’hommes et de femmes jusqu’ici internés dans les prisons parisiennes de Fresnes et du Cherche-Midi. Il s’agit, pour les hommes, du vingt-cinquième transport « NN » en direction du SS-Sonderlager Hinzert. Les hommes et les femmes sont regroupés à la gare de l’Est et enfermés séparément dans des wagons de troisième classe dont les compartiments sont aménagés en cellules aux fenêtres grillagées.
La destination finale du train est Berlin, mais il s’arrête à Trèves, où tous les déportés hommes et femmes descendent. Si le voyage des femmes semble se terminer ici puisqu’elles sont amenées à la prison de Trèves, celui des hommes, en revanche continue. Ils sont obligés d’attendre un autre train qui les conduit jusqu’à la gare de Reinsfeld, village situé à environ sept kilomètres du camp spécial d’Hinzert. Arrivés à cette gare, les déportés effectuent une marche forcée jusqu’au camp.

Certaines personnes de ce transport connaissent le même sort depuis leur arrestation. Ainsi, 2 femmes et 1 homme se retrouvent dans ce train après avoir été arrêtés en raison de leur appartenance au Front National des Etudiants de la Seine. A l’origine de leur arrestation, il y a une affaire d’impression et de diffusion de tracts communistes et anti-allemands. Dans le département de la Haute-Saône, ce sont 2 hommes et 1 femme qui sont arrêtés pour avoir organisé une filière d’évasion pour des prisonniers de guerre. Les autres interpellations connues sont le fait d’actes individuels ou de dénonciation : 6 personnes sont dénoncées pour détention illégale d’armes et 4 autres pour avoir caché et hébergé des aviateurs américains et anglais tombés sur le sol français.
Le but de la déportation de ces personnes est avant tout de les juger en Allemagne, en vertu de l’application du décret Keitel, instituant la procédure « Nacht und Nebel ». Tous les motifs cités sont considérés par les Allemands comme relevant de cette mesure.

Si le but de la déportation est le même pour les femmes et les hommes, leurs parcours en Allemagne sont différents. Les femmes passent très peu de temps à Trèves. Elles sont dirigées vers les prisons d’Aix-la-Chapelle, de Flussbach ou Lauban où elles sont placées en détention préventive avant le transfert au tribunal de Cologne ou de Breslau en Silésie. Les hommes restent plus longtemps à Hinzert avant d’être dirigés vers Wittlich ou Wolfenbüttel, et d’être jugés à Cologne ou à Breslau. Les peines connues prononcées à l’encontre des déportés « NN » sont exclusivement des peines de travaux forcés ou de prison. Il faut toutefois signaler le cas dans ce transport d’un homme et d’une femme condamnés à mort dans un premier temps, qui ont vu leur peine commuée en travaux forcés.
A la fin de la procédure « Nacht und Nebel », effective fin 1944, les femmes « NN » sont transférées au KL Ravensbrück. C’est le cas ici pour 11 femmes. Les hommes sont envoyés dans plusieurs KL ou restent dans des prisons jusqu’à la libération. Certains sont dirigés vers le KL Gross Rosen, d’autres vers le KL Sachsenhausen. Il est de toute façon difficile de suivre le parcours des hommes « NN », tant il a été complexe. Les déportés rescapés de ce transport ont connu en deux ans de déportation en moyenne cinq lieux de déportation différents aux statuts divers : camp spécial, prison, tribunal, forteresse et camp de concentration.

Guillaume Quesnée

[1]Cet effectif n’est attesté par aucune liste de départ ou d’arrivée en Allemagne et il a donc été établi à partir du croisement de diverses sources. Mais, pour un certain nombre de déportés, si l’on sait qu’ils sont « NN » envoyés à Hinzert, on ignore la date de leur déportation et ils sont donc présentés dans la liste alphabétique « hors transport » des déportés à Hinzert (I.301.).

Dernière mise à jour : 2008-07-30