Les arrivées au SL Schirmeck en 1940 de personnes arrêtées en zone annexée (II.1.)

Plus de la moitié des personnes arrivées au camp de Schirmeck au cours de l’année 1940 sont d’abord et avant tout arrêtées pour propos ou attitude anti-allemands. En effet, dès le mois de juillet, une politique de germanisation et de nazification est mise en place, dans les départements annexés, par les autorités occupantes. La langue française est interdite. En Alsace, elle est prohibée dans les administrations, le 16 août 1940, puis dans le domaine judiciaire à partir 10 septembre. « Bientôt, il est interdit de parler français en toutes circonstances. Toute personne surprise à parler français est passible d’une amende et peut être envoyée au camp de Schirmeck ».[1] En Moselle, à partir du mois de septembre, il est interdit de prêcher en français, et, depuis le 1er octobre, de tenir les registres d’état civil en français. Siffler la Marseillaise ou porter un béret basque constitue également un motif d’arrestation. Ainsi, 31 personnes arrivant au camp de Schirmeck dès l’été 1940, sont arrêtées pour attitudes et sentiments francophiles. Si la majorité d’entre elles est libérée après quelques mois de détention[2], 5 sont transférées au KL Dachau dès décembre 1940 : l’une décède en mars 1945 et les quatre autres rentrent de déportation en 1945.
Parmi les premiers détenus arrivés individuellement au SL Schirmeck, et ce dès le mois juillet 1940, se trouvent également 19 Français engagés volontairement dans l’armée républicaine espagnole pendant la guerre civile. Tous, sauf un, sont ensuite transférés, via des prisons du Reich, au KL Dachau et immatriculés dans la série des « 22000 » et des « 24000 ». Certains connaissent à nouveau un transfert vers les KL Buchenwald et Mauthausen. L’un est libéré en 1941 du KL Dachau, les autres restent en déportation jusqu’en avril 1945. Considérés comme des opposants politiques, ils sont détenus pour « raison de sûreté ».
De même, le secrétaire régional du parti communiste arrêté le 21 septembre « pour agitation dangereuse contre le Reich », arrive au SL Schirmeck au mois d’octobre. Après être passés par plusieurs prisons, il entre au KL Dachau au mois d’avril 1941 et y reste jusqu’à la libération du camp le 29 avril 1945. Quatre autres personnes entrent à Schirmeck pour des raisons politiques. Deux sont libérées avant décembre 1940 et une autre en novembre 1941 de la prison de Bruchsal. La quatrième, arrêtée pour distribution de tracts, est libérée du KL Dachau en octobre 1941.

Enfin, une personne est envoyée au SL Schirmeck pour le « motif 175 » du code pénal allemand réprimant l’homosexualité.

Ainsi, 24 des 60 personnes recensées comme entrées au SL Schirmeck au cours de l’année 1940 sont transférées vers des KL, principalement celui de Dachau. Ceci montre bien la détermination des autorités nazies à vouloir imposer dans la région annexée un régime répressif déjà omniprésent en Allemagne.

Manuel Maris

[1]Pierre Rigoulot, L’Alsace-Lorraine pendant la guerre 1939-1945, PUF, 1997.

[2]3 au moins sont incorporés de force dans la Wehrmacht, alors que d’autres sont expulsés vers la « France ».

Dernière mise à jour : 2007-07-23