Les départs d’Alsace-Moselle en 1940 vers des prisons du Reich (II.2.)

En Alsace-Moselle, les premières arrestations ont lieu dès le mois de juin 1940 en raison de l’annexion de fait de ces trois départements au Reich. Pour autant, « les Alsaciens et les Mosellans ne sont alors considérés par Berlin que comme des Volksdeutsche, membres de la communauté du peuple allemand, mais non comme des Allemands à part entière vivant sur le territoire du Reich, des Reichsdeutsche ».[1]

En tout, 18 personnes ont pu être recensées, dont 9 arrêtées dans le Bas-Rhin, 8 en Moselle et 1 dans le Haut-Rhin. Les 8 personnes arrêtées dans le département de la Moselle sont toutes envoyées à la prison de Sarrebrück, vraisemblablement du fait de la proximité géographique. Après des séjours en prison, 3 d’entre elles sont envoyées dans le KL Dachau et 1 au KL Buchenwald.

Sur ces 18 personnes, 6 d’entre elles sont arrêtées dans le cadre de l’affaire de Kintzheim dans le Bas-Rhin. Elles sont accusées d’avoir malmené le 24 mai 1940 des aviateurs allemands qui formaient l’équipage d’un bombardier revenant d’une mission au-dessus de Châteauroux. Comme leur avion se trouvait en difficulté, après avoir été attaqué par des chasseurs français au-dessus de cette ville et une deuxième fois près de Kintzheim, ils sautèrent en parachute près de cette localité où ils ont été faits prisonniers et remis à l’autorité militaire française de Ribeauvillé. Dès le 9 août 1940, les 6 militaires français sont emprisonnés pour être traduits devant le tribunal militaire de Strasbourg le 11 novembre. A l’issue de la séance, 2 sont condamnés à 21 et 12 mois de prison, les 4 autres sont acquittés. Cependant le commandement militaire allemand ne se déclare pas satisfait et l’affaire est à nouveau portée devant le tribunal militaire de Stuttgart les 4 et 5 avril 1941. Les peines infligées précédemment sont alors confirmées et l’un des acquittés est condamné à 6 mois de prison. Les 3 autres sont à nouveau relaxés. Mais l’autorité militaire, directement influencée par la Gestapo, ne trouve pas le jugement assez sévère et le fait casser. Les personnes acquittées sont à nouveau arrêtées traduites devant un nouveau tribunal militaire, celui de Munich, qui dans les séances du 16 et 17 septembre prononce des peines très sévères. Cette fois, un seul est acquitté. Les 5 autres sont condamnés à des peines allant de 3 à 10 ans de prison puis déportés dans les prisons de Ludwigsbourg et de Rottenbourg. Si 2 sont libérés en août 1944 pour être incorporés de force dans la Wehrmacht ; l’un d’eux décède sur le front russe le 2 février 1945, les 3 autres y restent jusqu’en avril 1945.

Signalons également le cas particulier d’un séparatiste rhénan. Chef d’une organisation séparatiste en Rhénanie et réfugié en France, il est arrêté à Strasbourg au mois de septembre 1940 pour avoir tué, en 1923, deux policiers allemands qui venaient l’arrêter. Transféré à la prison de Düsseldorf, il est condamné à mort et exécuté à Cologne.

Manuel Maris

[1]Pierre Rigoulot, L’Alsace-Lorraine pendant la guerre 1939-1945, Que sais-je, PUF, 1997.

Dernière mise à jour : 2007-07-23