Les arrivées au SL Schirmeck, de août à décembre 1942, de personnes arrêtées en zone annexée (II.9.)

Comme pour les mois précédents, la très grande majorité des personnes arrivées au SL Schirmeck refusent l’annexion et la germanisation. Ainsi plus de 65 % de l’effectif recensé s’est opposé pour la plupart de manière individuelle, aux mesures prises par les autorités allemandes, en manifestant une attitude ou un sentiment francophiles, en résistant, en refusant d’entrer dans une organisation nazie, en fuyant le territoire, ou encore en refusant de travailler pour les Allemands.
On connaît environ 80 % des motifs d’arrestation de ces personnes. 80 d’entre elles sont arrêtées pour sentiments francophiles ou attitude anti-allemande (plus de 25 % des cas recensés). Près de 15 % sont arrêtées pour avoir aidé des prisonniers de guerre évadés, et un peu plus de 10 % ont tenté de passer la frontière. Les femmes, qui représentent ici 20 % de l’effectif, jouent un grand rôle dans ces actions de résistance et de secours puisqu’un tiers de celles entrées à Schirmeck au cours de ces mois a été arrêté pour ce motif.

Mais le refus du RAD (Reichsarbeitsdienst) constitue toujours un motif d’arrestation des jeunes Alsaciens-Mosellans. A celui-ci s’ajoute depuis le mois d’août le refus d’être incorporé dans la Wehrmacht. Ainsi les arrivées au camp de Schirmeck de ces personnes s’accélèrent et représentent plus de 10 % de l’effectif recensé au cours de cette période. En effet, les autorités allemandes et les dirigeants nazis, qui dans un premier temps avaient fait appel au volontariat[1], décrètent l’incorporation militaire obligatoire des jeunes de Moselle et d’Alsace. Il s’agit évidemment de fournir des troupes supplémentaires à la Wehrmacht au moment où elle est particulièrement engagée sur le front russe. Mais la principale fonction de l’incorporation est d’ordre politique, car elle a pour but de poursuivre l’intégration des trois départements au Reich. Le 19 août, une ordonnance du Gauleiter Bürckel introduit le service militaire obligatoire dans l’armée allemande pour les jeunes Mosellans et les 17-19 octobre les premiers Mosellans des classes 1922-23-24 sont incorporés. En Alsace, le 25 août, Robert Wagner promulgue l’ordonnance accordant la nationalité allemande à tous ceux qui sont appelés à servir dans la Wehrmacht, et décide l’incorporation des classes de 1920 à 24.

Enfin, signalons d’une part, que plus de 30 déportés arrivés au SL Schirmeck au cours de la période sont transférés dans les KL de Buchenwald, Dachau, Natzweiler, Ravensbrück, Sachsenhausen, ou encore Flossenbürg, et d’autre part, que près de 15 % sont incorporés de force dans l’armée allemande à la suite de leur libération anticipée du camp.

Manuel Maris

[1]En octobre 1941, une grande campagne de recrutement est lancée en Alsace, mais c’est un échec. Une deuxième campagne plus massive est tentée en 1942, mais est jugée insuffisante par les autorités allemandes.

Dernière mise à jour : 2007-07-23